COP26 : Bilan et enjeux clés de la Conférence de Glasgow (2021)
Pendant deux semaines, chefs d’États, membres de gouvernements, d’entreprises et d’ONGs, négociateurs, négociatrices et activistes ont discuté, négocié, déclaré, protesté et même pleuré lors de cette grande messe qui aura débouché sur un accord final, plusieurs engagements et des moments forts. Il est temps de faire le bilan.
Le Pacte de Glasgow, fruit de deux semaines de tractations
Deux premières moutures de la déclaration finale, qui est devenue, de manière inattendue, le « Pacte de Glasgow pour le climat », avaient été diffusées pendant la deuxième semaine de négociation. Les changements entre chaque version témoignent des difficiles négociations entre les États pour aboutir à un consensus. Chaque mot est débattu, chaque verbe a sa signification, et des ajouts sont venus renforcer ou éluder des engagements. Malgré de réelles avancées, les larmes d’Alok Sharma, le président de la COP, « profondément désolé » de l’issue de ces deux semaines de tractation, qui contrastent avec celles émues de Laurent Fabius à la COP21, expriment l’écart entre le texte final et l’objectif affiché. Soit limiter le réchauffement climatique bien en deçà des 2 °C depuis le début de l’ère industrielle, et de poursuivre les efforts pour le limiter à 1,5 °C. Garder l’objectif des 1,5 °C en vie, c’était l’ambition de la COP.
Pour l’atteindre, des étapes sont inscrites (à titre indicatif) : réduire de 45 % les émissions de CO2 d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2010), et atteindre la neutralité carbone en 2050. Tout en réduisant drastiquement des émissions des autres gaz à effet de serre, avec pour la première fois la mention du méthane. Le texte reconnait lui-même que les engagements des États sont bien insuffisants, puisque les « Contributions déterminées au niveau national » soumises ne réduiraient les émissions que de 13,7 % en 2030. Le pacte demande aux États d’aligner leurs objectifs pour 2030 aux Accords de Paris, et ce d’ici fin 2022, même si la mention « en prenant en compte différentes circonstances nationales » pourrait offrir une porte de sortie aux États récalcitrants. L’insistance sur les réductions dès cette décennie est tout de même bienvenue alors que plusieurs États ont affiché un objectif de neutralité carbone en 2050, sans étapes intermédiaires, ni plan pour y arriver.
Pour la première fois, une COP mentionne les hydrocarbures dans sa déclaration finale. Le texte appelle les États à « accélérer les efforts vers la réduction progressive du charbon sans capture de CO2 et la suppression progressive des subventions inefficaces aux combustibles fossiles ». Le passage a été nettement édulcoré par rapport à la première mouture qui évoquait la fin du charbon et de toutes subventions aux combustibles fossiles. Pour le charbon, le terme de réduction (phasedown) a remplacé celui de fin (phase-out) à la dernière minute. Cela reste un signal fort lancé au monde du charbon. Rien en revanche sur le pétrole et le gaz.
Centre des tensions entre les pays du Nord et du Sud, les négociations autour de la finance climat ont débouché sur de timides engagements. Le texte « note avec de profonds regrets » que la promesse des 100 milliards de dollars annuels promis pour 2020 par les pays développés, pour financer les mesures d’atténuation dans les pays en développement, n’a pas été tenue. Il les pousse à atteindre ce montant de manière urgente et jusqu’en 2025 – les montants après cette date seront débattues pendant les prochaines années. Les pays du Sud réclament des sommes bien supérieures. Du côté de l’adaptation, le pacte pousse les pays développés à doubler leur soutien financier d’ici 2025, pour atteindre 40 milliards de dollars par an, un progrès qui ne figurait pas dans la première mouture, mais qui reste insuffisant par rapport aux besoins. Un programme de travail nommé « Glasgow- Sharm el-Sheikh » a été lancé pour faciliter la mise en œuvre de politiques d’adaptation.
La question des pertes et dommages a émergé comme une source de controverses. Si elle a fait l’objet d’une section dédiée dans le Pacte de Glasgow, la réticence des pays riches à dédommager les victimes des conséquences inévitables du changement climatique a remis ce point à plus tard. Pas de mécanisme de financement donc, simplement l’ouverture du « Dialogue de Glasgow » et des fonds pour l’assistance technique dans le cadre du « Réseau de Santiago ». Le seul pays à avoir annoncé des dédommagements est l’Écosse (à hauteur de 2 millions d’euros).
Des avancées ont été réalisées dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, en particulier sur les règles de transparence (afin de déterminer si un Etat respecte ou non ses engagements) et surtout celles qui régissent le marché du carbone, un accord clé qui n’avait pas été trouvé lors de la dernière COP.
Des engagements en demi-teinte tout au long de la COP
Les deux semaines ont été rythmées par des déclarations communes, des engagements entre États et la création d’alliances, qui viennent s’ajouter au bilan de cette COP. Elles ont commencé par des annonces de nouveaux objectifs nationaux, dont le plus marquant est celui de l’Inde qui a annoncé viser la neutralité carbone pour 2070.
Dès le premier mardi, plus de 100 pays ont signé une déclaration commune visant à stopper et inverser la déforestation d’ici 2030, bien que l’Indonésie se soit rétractée par la suite, la jugeant « injuste ». Puis, 105 pays se sont engagés via le Global Methane Pledge à réduire de 30 % les émissions globales de méthane – mais pas l’Inde, la Russie ni la Chine. Le lendemain, la journée sur la finance a notamment vu naître la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, regroupant 450 entreprises financières, consistant principalement en des objectifs vagues de bonne conduite.
En amont de la journée de l’énergie, les accords sur les énergies fossiles se sont succédé : soutien à la transition énergétique sud-africaine, coalition pour sortir progressivement du charbon (sans les 5 principaux consommateurs, et avec des dates limites s’étendant jusqu’en 2049), un autre pour stopper les investissements publics à l’étranger aux projets d’énergies fossiles (que la France a fini par rejoindre le dernier jour, et qui ne concerne ni les financements privés ni les projets avec capture et stockage de carbone).
Les annonces importantes en marge de la préparation du Pacte de Glasgow ont été plus rares au fil des jours. On retiendra de la deuxième semaine la déclaration sur la fin de la vente de moteurs à carburant fossile d’ici 2040 pour les voitures et camionnettes, signée le mercredi par plusieurs grands fabricants, mais ni par la France ni par ses constructeurs. Ainsi que la création le lendemain de la « Beyond Oil & Gas Alliance » pour une sortie progressive de la production d’hydrocarbures, à laquelle ne participe pour le moment aucun grand producteur mondial (même le Royaume-Uni est resté sur la touche). Sans oublier cette déclaration commune de la Chine et des États-Unis dont la portée est encore difficile à évaluer.
La portée juridique de ces différentes déclarations est moindre que celle de l’accord final et repose sur la bonne volonté des signataires. Elles auront surtout le mérite d’engager ou de renforcer une dynamique sur des sujets clés, qui se sont d’ailleurs retrouvés dans le Pacte de Glasgow (comme le méthane ou le charbon), à défaut de réunir les principaux acteurs et principales actrices concerné·es dans de nombreux cas.
Critique, la société civile s’est fait entendre
Peut-être que ce sont les à-côtés de la COP que l’on retiendra le plus. L’organisation a été la cible des critiques de la société civile pour le manque d’accès aux salles de négociations et le manque d’inclusivité de la « Blue Zone ».
Activistes, jeunes, autochtones, habitant·es d’îles en danger… ont investi les rues de Glasgow pour faire entendre leurs voix. Les premières marches ont commencé avant même le lancement officiel de la COP, et le week-end a été le point d’orgue de la mobilisation citoyenne avec la marche de la jeunesse le vendredi et la grande marche pour le climat le samedi, qui a réuni 100 000 personnes. La journée de l’adaptation a offert une tribune à celles et ceux qui sont en première ligne du changement climatique, avec des témoignages forts. Une manière de peser face au lobbying intense de l’industrie fossile, qui avait envoyé la plus large délégation à Glasgow (plus de 500 délégué·es).
Le deuxième vendredi, alors que 200 climatologues publiaient une lettre ouverte appelant des actions fortes et immédiates, la Blue Zone est devenue le théâtre du dernier acte de protestation, de nombreux·ses manifestant·es quittant la zone en scandant des slogans pour la justice climatique. Le tube de la COP ? « What do we want ? – Climate Justice – When do we want it ? – NOW ».
Malgré des avancées, difficile de dire si cette COP a réellement gardé l’objectif dès 1,5 °C en vie. Elle s’en est en effet remise à de nouvelles promesses bien plus ambitieuses des États pendant l’année à venir. À la sortie de la conférence, la marche semblait toujours aussi haute : d’après les projections compilées par Carbon Brief, les engagements pris pour 2030 menaient à un réchauffement autour de 2,4 °C à la fin du siècle, seulement un dixième de degré de moins qu’avant la COP. Les États se sont donnés rendez-vous à Sharm El-Sheikh pour faire le point.