Le PLU bioclimatique voté au Conseil de Paris : ce qu’il faut retenir
Alors que le projet de Plan Local d'Urbanisme bioclimatique a été voté au Conseil de Paris, cet article revient sur la procédure et les principales dispositions de ce nouveau plan, qui comporte une forte composante environnementale.
Le 5 juin dernier, le Conseil de Paris a voté le projet de Plan Local d’Urbanisme, fruit d’un travail de plus de deux ans. Une étape cruciale, même s’il faudra encore attendre les résultats de l’enquête publique et un nouveau vote pour qu’il entre en vigueur.
C’est quoi un Plan Local d’Urbanisme ?
Considéré comme un « projet de ville », le plan local d’urbanisme (PLU) détermine les règles d’occupation des sols, identifie les éléments (paysages, bâtiments…) protégés, et fixe les objectifs en matière d’aménagement pour les années à venir. Dès lors que l’on souhaite construire, détruire ou modifier l’aspect d’un bâtiment, on doit s’y conformer.
Il est composé :
- D’un rapport de présentation, qui explique les choix retenus en s’appuyant sur un diagnostic préalable,
- D’un projet d’aménagement et de développement durable (PADD), qui définit les grandes orientations d’urbanisme et d’aménagement,
- D’orientations d’aménagement et de programmation (OAP), des dispositions portant sur l’aménagement et l’habitat. Le prochain PLU bioclimatique comporte des OAP thématiques, qui portent sur l’ensemble du territoire, et des OAP sectorielles, portant elles sur certains quartiers ou secteurs,
- D’un règlement, qui fixe les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols via des textes, cartes et schémas.
- D’annexes.
Pourquoi réviser le PLU actuel ?
Alors que le PLU actuel avait été adopté en 2006, sa révision a été engagée fin 2020, avec l’ambition de faire de ce nouveau plan un PLU « bioclimatique ». Au-delà de la volonté de « loger l’ensemble des Parisiennes et des Parisiens », il doit ainsi répondre à l’urgence de l’adaptation au changement climatique, et contribuer à la trajectoire vers la neutralité carbone en 2050, en agissant notamment comme un instrument pour une ville végétale qui préserve la nature et la biodiversité.
Cinq objectifs avaient été listés pour faire de Paris une ville :
- inclusive et solidaire ;
- aux patrimoines et paysages préservés ;
- durable, vertueuse, résiliente et décarbonée ;
- attractive et productive ;
- actrice de la métropole.
Une longue phase de concertation
Pour que le PLU bioclimatique réponde aux attentes des habitant·es, une large concertation a été menée.
- Une première phase sur le diagnostic territorial a fait émerger le sujet « environnement, nature et santé » comme premier sujet de préoccupation.
- La deuxième sur l’avant-projet du PADD a, elle, placé l’axe thématique « Une ville en transition vertueuse et résiliente » comme priorité des habitant·es, confirmant leurs fortes attentes en matière de préservation de la biodiversité, de végétalisation, de lutte contre la chaleur en ville ou de décarbonation.
Les Parisien·nes ont aussi été consulté·es pour l’élaboration des OAP et du règlement, via des avis déposés sur la plateforme idée.paris.fr, des ateliers, des cahiers d’acteurs, des rencontres de proximité, des réunions publiques, les registres en mairies, ou les marches exploratoires organisées par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). L’Agence Parisienne du Climat a été mobilisée sur certains d’entre eux pour apporter son expertise. Là encore, l’adaptation au changement climatique est le thème qui est revenu le plus souvent dans les avis exprimés, en particulier la création d’espaces verts et l’adaptation du bâti.
L’Agence Parisienne du Climat a pris part dans cette consultation en soumettant des propositions visant à accélérer la dynamique de rénovation environnementale des bâtiments, afin de réduire leurs consommations d’énergie tout en réduisant leur surchauffe en été, et à préparer la ville à l’augmentation et l’aggravation des vagues de chaleur, fortes pluies et sécheresses.
La concertation s’est étendue de 2020 à 2022, permettant de recueillir au total plus de 50 000 propositions, formulées par près de 8 000 contributeur·irces, et plus de 600 cahiers d’acteurs rédigés par des professionnels, associations, conseils de quartier et particuliers.
Les nouvelles dispositions environnementales à retenir
Le PLU bioclimatique comporte de nombreuses nouveautés visant à protéger les espaces verts existants et à en créer de nouveaux, et à améliorer les performances environnementales des bâtiments.
Protéger et renforcer la nature en ville
Pour améliorer le cadre de vie, réduire le phénomène d’îlot de chaleur urbain, gérer les eaux pluviales ou encore favoriser la biodiversité, le PLU bioclimatique entend renforcer la place de la nature en ville.
- Au total, ce sont 300 hectares végétalisées qui doivent être créés ou ouverts au public, afin de se conformer au seuil des 10 m² par habitant·es recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé.
- Parmi les nouveaux espaces verts, qui apparaîtront en priorité dans les quartiers populaires, dix grands parcs sont programmés, en plus d’un grand parc métropolitain de 25 hectares dans le Nord-Est de Paris.
- Le périphérique sera lui transformé en boulevard urbain, et il ne sera pas possible de construire sur une bande de 25 mètres le long de lui pour protéger les talus, sur lesquels seront massivement plantés des arbres.
- L’objectif est de conserver les éléments naturels existants et de planter partout où c’est possible. Ainsi, le nouveau PLU protègera les arbres d’alignement et remarquables, de nombreux espaces verts, et des espaces libres en pleine terre. De plus, il fixe un seuil de pleine terre dans les parcelles de plus de 150 m², réhaussé pour les très grandes parcelles (65 % pour celles de plus de 5 000 m².
- La végétalisation de l’espace public passera aussi par la création de plus d’une centaine de nouvelles rues aux écoles. L’OAP « Biodiversité et adaptation au changement climatique » fixe également comme objectifs la poursuite de la transformation des cours d’écoles en cours « oasis », la création de « rues jardins » ou l’aménagement de parcours ombragés.
- Le PLU bioclimatique consacre également la réouverture prochaine de la Bièvre, cette rivière enterrée au début du XXe siècle, et la renaturation de ses berges.
Pour un bâti plus adapté et performant
Les nouvelles constructions à Paris devront répondre à des critères plus ambitieux que la règlementation nationale (RE2020), que ce soient en matière de performance énergétique, d’empreinte carbone, de confort d’été ou de production d’énergie renouvelable. Elles devront intégrer les principes de l’architecture bioclimatique, prévoir des protections solaires extérieures, privilégier les tons clairs. Leur taille sera également limitée à 37 mètres de hauteur.
Concernant l’existant, l’objectif est de favoriser les rénovations et réhabilitations et d’éviter les destructions et reconstructions. L’épaisseur maximale de l’isolation thermique par l’extérieur est augmentée et cette solution sera à privilégier pour les façades enduites, les travaux de ravalement ou de réfection de toitures devront inclure l’amélioration des performances énergétiques du bâtiment, et des objectifs de performances thermiques pour les éléments concernés par le projet sont inscrits. Les dispositifs extérieurs de protection contre le rayonnement solaire devront être conservés ou améliorés, et s’il n’en existe pas leur installation est obligatoire pour les rénovations lourdes et les réhabilitations, tout comme celle de dispositifs de production d’énergie renouvelable.
Si la climatisation n’est pas proscrite, elle doit être un dernier recours en cas d’impossibilité technique de se contenter de méthodes passives pour garantir un confort d’été satisfaisant, et s’il n’est pas possible de se raccorder au réseau de froid.
La hauteur des surélévations est relevée par rapport à la règlementation actuelle, mais elles sont soumises à des conditions. Ainsi, elles devront être exclusivement destinées à des habitations, et si le bâtiment ne respecte pas la surface minimale d’espaces libres, il faudra améliorer la conformité à ces dispositions pour pouvoir le surélever. La règle générale est d’autoriser les surélévations jusqu’à 3 mètres, et même de 3 niveaux pour les « bâtiments et ensembles modernes ».
Et maintenant ?
Bien que le projet ait été voté au Conseil de Paris, la procédure n’est pas terminée pour autant. S’engage désormais l’enquête publique, menée par l’Etat pendant plus d’un an, pendant laquelle il sera possible de formuler des observations sur le projet auprès du commissaire enquêteur. Une fois terminée, le nouveau PLU sera soumis à un dernier vote au Conseil de Paris, qui devrait avoir lieu avant la fin de l’année 2024, pour une entrée en vigueur début 2025. En attendant, la Ville pourra différer sa réponse pour des demandes d’urbanisme qui ne sont pas conformes au futur règlement, grâce au « sursis à statuer ».