Quels gestes adopter face aux moustiques tigres à Paris ?
Du 1er mai au 30 novembre, la surveillance du moustique tigre est renforcée sur le territoire parisien. Quels sont les bons réflexes à adopter en copropriété et de manière générale pour lutter contre sa prolifération ? L’Agence Parisienne du Climat s’est entretenue avec Nohal Elissa, Entomologiste médicale et Anahita Grisoni, Cheffe de l’Observatoire Parisien de Santé Environnementale de la Ville de Paris afin de vous donner tous les conseils à suivre.
Comment reconnaitre le moustique tigre ?
Le moustique tigre est une espèce invasive de moustique particulièrement nuisible originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et installée en France depuis 2004. C’est un moustique de petite taille, environ 5 mm, actif dans la journée, avec un pic d’agressivité au lever du jour et au crépuscule. Il possède des rayures noires et blanches sur le corps et les pattes.
Où sont-ils présents ?
En France, c’est l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui est responsable de la surveillance et de la lutte contre les espèces qui transmettent des agents pathogènes, dont les moustiques tigres.
Il n’est pas possible de recenser le nombre de moustiques mais il est possible d’étudier leur densité par des calculs faits en entomologie médicale. Par ailleurs, il existe un dispositif de surveillance qui consiste à installer des « pondoirs pièges » dans les zones à risque élevé : les femelles y pondent, ce qui permet de suivre la progression du moustique tigre sur le territoire.
La présence du moustique tigre est similaire à Paris et dans toute l’Île-de-France : tout le territoire est concerné.
Quels sont les risques pour les Parisiennes et Parisiens ?
Le moustique tigre peut être vecteur de virus tropicaux comme ceux de la dengue, du Zika ou du chikungunya. Cependant, il faut noter que tous les moustiques tigres ne sont pas porteurs de maladies. Il faut qu’ils aient précédemment piqué une personne malade pour devenir porteurs du virus, pouvant ainsi transmettre localement l’agent pathogène à de nouvelles personnes. Il y a alors constitution de chaines locales (autochtones) de transmission et possibilité de développement d’une épidémie. À noter que le moustique tigre ne transmet pas le Covid-19 ni le paludisme.
Quel lien peut-on faire entre le changement climatique et les moustiques tigres ?
Le moustique tigre est une espèce dite anthropophile : elle s’adapte pour vivre dans les environnements habités par les humains.
Plusieurs facteurs favorisent sa prolifération : l’augmentation des températures, la modification des régimes de précipitations et les pluies plus fréquentes, les hivers plus doux… Ces changements créent un environnement et un climat idéaux pour le développement et la propagation du moustique, (ainsi que de toutes les espèces invasives, notamment ceux vecteurs de maladies comme les tiques par exemple, ou d’autres espèces de moustiques).
Mais il n’y a pas que le changement climatique, le moustique tigre est une espèce invasive qui a voyagé : s’il est arrivé en France en 2004, c’est à l’occasion du flux croissant de marchandises par transport international et des déplacements de l’homme, il n’y existait pas avant.
À l’origine, c’est donc une combinaison de facteurs humains. C’est aussi une démonstration de la codépendance des espèces : nous sommes acteurs du changement climatique et le moustique tigre nous accompagne.
Qu’en est-il de leur rôle dans la biodiversité ?
Même s’il est susceptible de transmettre des maladies, le moustique tigre a un rôle indispensable dans la biodiversité :
- Il est un maillon essentiel de la chaine alimentaire. De nombreuses espèces se nourrissent de moustiques, aussi bien au stade de larve (poissons, batraciens, autres insectes…) qu’au stade adulte (chauves-souris, certains oiseaux…) ;
- Les larves de moustiques ont un rôle dans la filtration de l’eau, par leur participation au cycle de l’azote. Elles interviennent dans la décomposition de l’azote organique en azote minéral.
- Enfin, les moustiques tigres adultes jouent un rôle dans la pollinisation (dans une moindre mesure que les papillons ou les abeilles).
Que faire au niveau de sa copropriété et de son logement pour prévenir leur apparition/prolifération ?
De nombreuses actions peuvent aider à prévenir l’apparition et la prolifération du moustique tigre.
Voici quelques pistes pour lutter contre les gites larvaires, à l’extérieur :
- Réparer les fuites d’eau ;
- Éliminer l’eau stagnante ;
- Trier, ranger, éliminer ou retourner tous les récipients où l’eau peut stagner (bacs et bassines d’eau, jeux ou jouets dans les cours, pots de fleurs, seaux, poubelles et déchets divers, arrosoirs, etc.) ;
- Remplir de sable les soucoupes sous les pots de fleurs ou si possible supprimer les soucoupes ;
- Éviter l’utilisation de pots de fleurs avec réserve ;
- S’il n’est pas possible de vider les récipients, les couvrir d’une moustiquaire ou les fermer hermétiquement (notamment pour bidons d’eau, citernes, bassins…) ;
- Ne pas laisser trainer de déchets ;
- Vérifier le bon écoulement des eaux de pluie et des eaux usées : réparer, curer et déboucher régulièrement gouttières, regards, caniveaux, siphons de sol et drainages ;
- Vider régulièrement et complètement les réservoirs et colonnes des pieds de parasol qui se remplissent avec les pluies ou l’arrosage et lester avec du sable ;
- Si vous avez une climatisation : assurez-vous très régulièrement que le bac à résidus et le tuyau d’évacuation sont exempts d’eau ;
- En cas de stagnation d’eau sous les dalles de terrasses sur plots, éliminer l’eau ou traiter l’eau stagnante (eau de Javel, galet de chlore). Si possible, lors de travaux en copropriété, éliminer complètement les dalles sur plots.
Dans les conditions optimales, le moustique tigre passe du stade larvaire au stade adulte en une semaine. Pour casser son rythme de développement, les réservoirs et récipients d’eau stagnante doivent être vidés au moins une fois par semaine.
Quelques conseils supplémentaires pour réduire les lieux de repos des moustiques adultes si votre copropriété possède un jardin ou des espaces verts :
- Entretenir son jardin ou les végétaux de sa terrasse ;
- Débroussailler et tailler les herbes hautes et les haies ;
- Élaguer les arbres ;
- Ramasser les fruits tombés et les débris végétaux.
Et que faire au niveau de sa copropriété/son logement pour s’en protéger ?
- Utiliser des moustiquaires (de préférence en coton) :
- Aux fenêtres et porte fenêtres ;
- Aux lits et berceaux ;
- Sur les poussettes des bébés.
- Porter des vêtements couvrants et amples ;
- Consulter votre médecin ou votre pharmacien·ne à propos des produits antimoustiques (répulsif cutané, prises insecticides…)
Le moustique tigre pique la journée et en extérieur. On observe cependant un changement dans son comportement car il commence à piquer en intérieur également.
Que faire en cas de repérage d’un moustique tigre, voire de piqures ?
La première chose à faire est de le signaler ! Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’une photo du moustique tigre, ou du moustique tigre dans un état permettant son identification.
Le signalement est primordial pour procéder à la mise en place d’enquêtes spécifiques si les cas se multiplient dans des zones identifiées, et par la suite, d’actions appropriées.
Si vous avez été piqué·e, il faut par ailleurs être très vigilant sur les symptômes, qui s’installent sur la durée. En cas de symptômes grippaux, fièvre, douleurs articulaires, diarrhée, survenant après une piqure, il faut consulter votre médecin et prévenir de la piqure pour éventuellement procéder à des examens plus poussés.
Quel est le rôle de la Ville de Paris dans l’action contre la prolifération du moustique tigre ?
L’action principale de la Ville de Paris repose sur l’élimination des gites larvaires. Il existe un comité de pilotage organisé avec le Secrétariat Général et les gestionnaires de crises des différentes Directions de la Ville de Paris afin de mettre en place une série d’actions pour éviter l’accumulation des gites larvaires.
Au niveau de la Direction de la Santé Publique (DSP) plus précisément, lorsqu’il y a suspicion de gites larvaires, des investigations sont menées pour définir s’ils peuvent être éliminés mécaniquement (vider les bidons par exemple). Ce ne sont que dans des cas très spécifiques que les gites larvaires sont traités autrement (siphons de sol par exemple).
La DSP apporte également son appui scientifique ou technique sur tous ces enjeux et mène diverses actions (interventions en pied d’immeubles, ou lors d’évènements comme la Fête des Gardiens ou Nature en Ville…).
En sept ans, le Service Municipal d’Action de Salubrité et d’Hygiène n’a eu à réaliser qu’une seule action de traitement contre les moustiques adultes à l’intérieur d’un bâtiment. Il s’agissait d’une énorme citerne d’eau dans un gymnase : dans ce cas précis, la démoustication était obligatoire ».
Nohal Elissa
C’est l’ARS et son opérateur qui sont en charge des traitements. D’ailleurs, ceux-ci sont très cadrés : il ne suffit pas d’un moustique pour mettre en place un traitement. C’est en cas de maladie virale avérée et de présence identifiée du moustique qu’il peut y avoir un traitement. L’objectif est de réduire le risque de propagation de ces maladies aux personnes vivant à proximité de la personne infectée. Ces opérations ciblent uniquement les moustiques adultes.
En tout cas, la démoustication est une mesure de dernier recours et très encadrée pour plusieurs raisons :
- Les produits chimiques utilisés pour tuer les moustiques peuvent également affecter d’autres espèces d’insectes et de la faune locale, perturbant ainsi les écosystèmes ;
- Les produits utilisés sont nocifs pour la santé humaine s’ils sont utilisés en grande quantité ;
- Une utilisation fréquente d’insecticides peut conduire à l’apparition de moustiques résistants aux produits chimiques, rendant les futures interventions moins efficaces.
La lutte contre les moustiques repose d’abord sur des mesures de prévention comme l’élimination des zones de reproduction (eaux stagnantes) et la sensibilisation du public. Ces mesures sont plus durables et moins nocives pour l’environnement.
Nous ne vivons pas sur un territoire vide de risques sanitaires. Comme sur l’ensemble de la planète, il faut faire attention aux espèces avec lesquelles nous vivons, et être attentifs.