[Série technique] – Episode 11 : Isolation thermique par l’extérieur sous bardage ventilé
publié le 07 mars 2024
9 min
Rénovation énergétique
L’isolation par l’extérieur d’un bâtiment peut se faire de différentes manières. Soit en isolant la façade et en appliquant un enduit directement sur l’isolant, soit en faisant le choix d'un bardage déporté ventilé (isolant reposant sur une ossature extérieure). C’est notamment le cas de la copropriété Super Montparnasse. Nous nous sommes entretenus avec M. François Pelegrin, architecte ayant assuré avec M. Philippe Lair la maîtrise d’œuvre de ce projet de rénovation globale d’un Immeuble de Grande Hauteur (IGH).
Dans cet article, nous illustrerons la solution du bardage ventilé avec le projet de la Tour Super-Montparnasse dans le 15ᵉ arrondissement de Paris.
Le bardage ventilé : une solution technique pérenne
Qu’est-ce qu’un bardage ventilé ?
Un bardage ventilé consiste à recouvrir un isolant avec un parement extérieur (ou bardage) reposant sur une ossature souvent métallique. Une légère distance est laissée entre le bardage et l’isolant : il s’agit d’une lame d’air qui va permettre une ventilation verticale naturelle.
Il existe différents types de bardage :
Les plaques : celles-ci sont la solution la moins chère. Cependant, leur fixation sur l’ossature peut créer un gondolement de la plaque qui risque de créer ce qu’on appelle un « effet de flash ».
Les cassettes et clins : ce sont des plaques qui sont repliées au bord (2 côtés pour les clins, 4 côtés pour les cassettes), « à la manière d’un couvercle de boite à chaussure » nous explique M. Pelegrin, qui « permet de les rigidifier et d’éviter l’effet de flash ».
Étapes de mise en œuvre du bardage ventilé et précautions à prendre
Assainir le support
Tout d’abord, il est important de s’assurer que le support (le mur) est sain : « Nous avions prévu dans nos descriptifs le retrait de la pâte de verre. Cela était assez complexe : nous avons décapé quand la pâte de verre tombait. Le but était d’avoir un support plan et sain. » nous explique M. Pelegrin.
Montage des ossatures et application de l’isolant
Il faut ensuite monter les ossatures. Dans le cas de la Tour Super-Montparnasse, il s’agit d’ossatures en aluminium qui vont supporter le bardage. L’isolant est ensuite collé et chevillé sur la façade en deux couches croisées, afin de supprimer les ponts thermiques.
Accrochage du bardage
Enfin, le bardage est accroché en prévoyant desrecoupements incendie dans la lame d’air (règlementation IT 249). Ces recoupements empêchent le feu de se propager en cas d’incendie.
Quels sont les avantages du bardage ventilé ?
Assurer un meilleur confort été comme hiver
Les bardages non-ventilés sont aussi appelés « vêtures ». M. François Pelegrin nous explique que ce sont des objets industriels qui arrivent avec l’isolant et la peau finale.
L’intérêt de la lame d’air dans un bardage ventilé est de créer, par tirage thermique, une circulation de l’air entre l’isolant et le parement. Cela ajoute une protection à l’isolant, qui sera moins impacté par les rayonnements solaires notamment, et donc permettre un meilleur confort d’été en évacuant la chaleur à la manière d’une ventilation.
On se doute bien qu’une façade exposée au rayonnement solaire peut s’échauffer. Le bardage ventilé évite à l’isolant d’être directement impacté.
M. François Pelegrin
F. Pelegrin évoque notamment une enquête de satisfaction des habitantes et habitants quelques années après le chantier de la Tour Super-Montparnasse. Cette enquête demandait aux habitants de parler de leur confort et de leur vie dans l’immeuble : « 3 étés et 3 hivers ont eu lieu entre la fin du chantier et l’enquête : les habitants ont déclaré que le confort était vraiment meilleur en été et en hiver. »
Assurer la pérennité de l’isolation et protéger la façade
Quand l’architecture de l’immeuble le permet, un bardage ventilé permet d’offrir une nouvelle façade au bâtiment, de surcroît plus pérenne.
En effet, le bardage ventilé auto-nettoyant va moins subir les chocs thermiques qui peuvent être violents (intempéries, gel, canicules etc.) qu’un enduit : « un enduit sur ITE va subir plus visiblement les agressions du temps. »
F. Pelegrin nous donne notamment l’exemple de la Tour Super-Montparnasse dont la pâte de verre chutait de la façade. Une campagne de rafistolage a eu lieu, mais cela a été assez inefficace. Un échafaudage a été monté en pied d’immeuble afin d’empêcher que la pâte de verre ne tombe sur les passants. Cela représente des coûts importants pour des solutions non pérennes.
L’ITE sous enduit sera moins chère que le bardage (250€/m² pour une ITE avec un bardage, contre 180€/m² pour une ITE classique sous enduit), cependant, il faut réfléchir sur le long terme : en se projetant sur 50 ans, on évite au moins 2 ravalements.
M. François Pelegrin
Une diversité de matériaux possibles
Enfin, le bardage a l’avantage de pouvoir avoir des expressions architecturales différentes.
Il existe en effet différentes textures, différents matériaux, et une multitude de teintes qui permettent réellement de redonner une nouvelle identité au bâtiment :
Métal (acier, aluminium …)
Bois
Pierre, brique
Matériaux composites
PVC etc.
Dans le cas de la Tour Super-Montparnasse, le bardage est en aluminium 20/10è. On ne voulait pas d’acier car cela peut rouiller, et c’est beaucoup plus lourd.
M. François Pelegrin
Aspirer à une requalification architecturale
Concilier patrimoine et rénovation
Comme évoqué ci-dessus, l’isolation sous bardage rapporté permet de renouveler l’identité d’un bâtiment. Au-delà de sa rénovation énergétique, il s’agit selon F. Pelegrin d’une véritablerequalification architecturale.
Ce changement d’image n’est pas toujours facile à accepter pour les différentes parties prenantes du projet. Il peut s’agir des riverains, des habitants, ou encore des Architectes de Bâtiments de France dont la mission est de veiller au respect du patrimoine architectural que peuvent représenter certains bâtiments.
C’est pourquoi cette solution est adaptée à tout type d’immeuble (bâti ancien, 30 glorieuses, années 70 ou plus récent), sauf pour les bâtiments dont les façades comportent des détails ornementaux complexes qu’il serait impossible à reproduire avec un bardage.
L’utilisation d’un bardage ventilé implique un changement de revêtement, mais également une surépaisseur. Il peut y avoir une augmentation de l’épaisseur du complexe d’isolation d’au moins 5 cm par rapport à une isolation sous enduit.
F. Pelegrin évoque notamment la question de la pâte de verre présente sur la version originale de la Tour Super-Montparnasse de B. Zehrfuss. Celle-ci a fait débat, car elle faisait partie de l’identité de la Tour. Cependant, L’équipe de maîtrise d’œuvre représentée par François Pelegrin et Philippe Lair – a su convaincre les architectes des bâtiments de France que l’ajout de pâte de verre au résultat final serait risqué car cela ajouterait des tonnes de poids à la tour.
Se projeter grâce à la maquette BIM
Plus globalement, F. Pelegrin insiste sur le fait que l’utilisation d’une maquette numériqueBIM est un réel levier. Celle-ci permet de se projeter pour l’ensemble des parties prenantes. Elle montre le résultat potentiel et notamment :
les brillances ;
les textures ;
les couleurs etc.
Elle permet également de penser le calepinage de manière à optimiser les chutes et donc ne pas faire exploser le budget. Elle peut aussi simuler les ambiances lumineuses.
Il y a une réelle réflexion architecturale sur le look extérieur de l’immeuble et sur l’éventuel effet tunnel qui peut être engendré par la surépaisseur créée par le bardage. La maquette numérique nous amène par exemple à des idées pour laisser entrer la lumière comme le biseautage des tableaux de menuiseries.
M. François Pelegrin
De plus, afin de respecter l’œuvre de B. Zehrfuss et retrouver de la finesse dans le résultat final, différentes épaisseurs d’isolant ont été choisies.
Pérenniser l’isolation et requalifier l’identité d’un bâtiment
Finalement, le bardage ventilé est une solution permettant d’assurer une meilleure pérennité de l’isolation et de permettre une réelle requalification architecturale de certains immeubles.
Bien qu’inenvisageable sur des immeubles à fort caractère patrimonial comme les bâtiments haussmanniens dont les façades sont riches en détails et en ornements, c’est une solution qui peut parfaitement redonner de la valeur à des immeubles des années 70 signés ou non par des architectes reconnus tels que Bernard Zehrfuss, auteur de la Tour Super-Montparnasse.
Autres exemples de projets avec mise en place d’un bardage ventilé
Retrouvez les anciens épisodes de la série technique :
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