Série technique – Episode #7 : L’étanchéité à l’air d’un bâtiment
Un bâtiment performant sur le volet énergétique doit être le plus étanche à l’air possible. Autrement dit, sa perméabilité à l’air, définie dans la Réglementation Thermique (RT) 2012 comme « la quantité d’air qui entre ou sort de manière non contrôlée à travers celle-ci »[1], doit être faible. Quid de l’étanchéité à l’air dans un projet de rénovation énergétique ? Quels sont les points de vigilance à garder en tête ?
Nous nous sommes entretenus avec Joséphine Ledoux, Directrice développement et commerce chez ENERA Conseil afin de comprendre comment la question de l’étanchéité à l’air des bâtiments est traitée dans le cadre de leur rénovation énergétique. ENERA Conseil est l’entreprise ayant assuré la maîtrise d’œuvre du projet de rénovation énergétique du 176 boulevard de Charonne dans le 20e arrondissement.
Cette copropriété est aujourd’hui labellisée Bâtiment Basse Consommation-Effinergie Rénovation, avec une perméabilité à l’air de 0,51 m3/(h.m²).
Pourquoi améliorer l’étanchéité des bâtiments lors de leur rénovation ?
Un bâtiment non étanche à l’air subit des transferts d’air :
- allant de l’extérieur vers l’intérieur : on parle alors d’infiltrations ;
- mais aussi de l’intérieur vers l’extérieur : on parle alors d’exfiltrations.
Ces flux d’air sont dits « parasites », c’est à dire qu’ils ne sont pas contrôlés.
Attention, ici il faut bien faire la distinction entre étanchéité du bâtiment et aération des logements. Il reste très important d’aérer son logement quotidiennement pour permettre une bonne qualité de l’air et optimiser ses consommations d’énergie.
De plus, les points d’entrée/sortie de l’air vont jouer le rôle de ponts thermiques, qui vont être à l’origine de déperditions thermiques importantes et par conséquent de consommations énergétiques supplémentaires, notamment en hiver. Pour plus d’informations sur les ponts thermiques, vous pouvez consulter l’épisode 2 de la présente série technique sur l’isolation par l’extérieur des balcons.
Il est important de noter également que dans un bâtiment trop perméable aux écoulements d’air, il peut y avoir des dysfonctionnements de la ventilation mécanique contrôlée (VMC). En effet, celle-ci permet un renouvellement contrôlé de l’air intérieur dans un bâtiment étanche. S’il y a trop d’infiltrations et d’extractions d’air non contrôlées en raison d’une étanchéité trop faible du bâtiment, alors la VMC ne pourra pas effectuer son travail de renouvellement automatisé de l’air intérieur car ce dernier se fait autrement, via les infiltrations/exfiltrations. Or, une VMC dysfonctionnelle engendre également des consommations énergétiques supplémentaires (se référer à l’épisode 6 de la série technique sur la mécanisation de la ventilation).
Des flux parasites trop importants, potentiellement chargés de polluants et d’humidité, peuvent causer de réels désagréments tels que :
- La détérioration de la qualité de l’air intérieur ;
- La condensation dans les isolants en raison de la présence d’humidité dans l’air et détérioration de la structure du bâtiment ;
- L’apparition de moisissures.
Une mauvaise étanchéité peut avoir pour impact le risque de ponts thermiques dans lesquels peut se former un point de rosée, et par lesquels on constate des pertes d’énergie
Joséphine Ledoux
Enfin, un bâtiment non étanche à l’air est un bâtiment inconfortable :
- Sensation de courants d’air ;
- Confort acoustique réduit.
C’est pourquoi lors de la rénovation énergétique d’un bâtiment et afin d’atteindre la performance énergétique visée, il est important de prendre en compte les fuites d’air de celui-ci et de les traiter dans les différents postes de travaux.
Quelles sont les bonnes pratiques pour améliorer l’étanchéité d’un bâtiment dans le cadre d’un projet de rénovation ?
Joséphine Ledoux évoque avec nous trois grands postes de travaux permettant d’agir sur l’étanchéité à l’air du bâtiment : les menuiseries, l’isolation et la ventilation.
Les menuiseries
Les menuiseries sont un des points de fuite importants au niveau des parois d’un bâtiment. En effet, la fenêtre reposant sur un « trou » dans le mur, il est important de veiller à ce que le cadre soit bien étanche à l’air lorsque l’on remplace les menuiseries extérieures dans un projet de rénovation énergétique.
Si l’étanchéité des anciens châssis est mauvaise, alors il est mieux de faire une dépose totale et de remplacer l’ensemble des éléments des menuiseries. Cependant, dans le cadre d’une rénovation, il est parfois nécessaire de faire avec l’existant.
Il faut prendre en compte les contraintes de coût et de rapidité d’exécution – Joséphine Ledoux.
Dans le projet de rénovation du 176 boulevard de Charonne, les menuiseries ont été remplacées intégralement, ce qui a permis de bien reprendre l’étanchéité.
L’isolation
Un projet de rénovation énergétique comporte très souvent des travaux d‘isolation thermique par l’extérieur (ITE).
Dans le cadre de ce poste de travaux, on profite du fait que l’on vient gratter les enduits précédents pour reprendre les fissures des parois qui sont des points de fuite d’air importants.
Concernant l’étanchéité à l’air, une isolation par l’intérieur (ITI) peut être problématique si elle est mal réalisée.
Lorsque l’on chauffe un bâtiment isolé par l’intérieur, on coupe l’inertie du bâtiment : on chauffe l’air. S’il y a des fuites, c’est donc la chaleur qui s’en va directement par les trous.
Aussi, avec une ITI et des fuites d’air importantes, le risque de condensation est d’autant plus élevé car le point de rosée peut se réaliser entre l’isolant et le mur et dégrader ainsi la structure du bâtiment.
Le 176 boulevard de Charonne a été isolé par l’extérieur avec 14 cm de polystyrène expansé permettant d’obtenir une résistance thermique de R = 4.5 (m².K)/W. L’isolant existant de la toiture terrasse a été déposé et a été remplacé par 10 cm de polyuréthane permettant d’atteindre une résistance thermique de R = 4.8 (m².K)/W.
Isolation par l’extérieur et remplacement des menuiseries au 176 boulevard de Charonne dans le 20e arrondissement. © ENERA Conseils
La ventilation
La ventilation d’un bâtiment permet le renouvellement de son air intérieur et est un réel levier pour améliorer sa performance énergétique. C’est pourquoi dans un projet de rénovation énergétique global, on assiste fréquemment à la mécanisation de la ventilation : on passe d’une ventilation naturelle à une ventilation mécanique contrôlée (VMC).
Si nous partons d’une ventilation naturelle, il faut bien retirer et sceller les anciennes grilles présentes sur les façades et les rendre bien étanches.
Cependant, les émergences techniques liées aux systèmes de VMC (gaines techniques, bouches d’extraction d’air etc.) peuvent être des points de fuite d’air importants.
Les gaines techniques sont directement des cheminées vers l’extérieur.
C’est finalement le cas pour l’ensemble des réseaux intérieurs tels que les réseaux d’eau chaude sanitaire et de chauffage en général.
L’étanchéité à l’air des réseaux de ventilation doit être vérifiée et améliorée dans la mesure du possible mais cela n’est pas fait systématiquement, ici encore pour des questions de coûts et de rapidité d’exécution.
Dans le cas de la mise en place d’une ventilation Basse Pression, on étanchéifie systématiquement les réseaux.
Le projet de rénovation globale du 176 boulevard de Charonne a permis le remplacement de la ventilation par une VMC hygroréglable.
Étanchéité à l’air et Bâtiment Basse Consommation
L’étanchéité à l’air est quantifiée par le débit de fuite, exprimé en m3/(h.m²). Pour les logements collectifs neufs, le seuil règlementaire fixé par la RT 2012 est de 1 m3/(h.m²).
Dans le cadre d’une rénovation globale, pour obtenir le label BBC-Effinergie Rénovation, il faut réaliser un test d’étanchéité à l’air, ou bien d’infiltrométrie. Cependant, il n’y a pas de valeur de débit de fuite fixée pour obtenir le label.
Ce qu’il faut retenir
Finalement, les points essentiels à retenir concernant l’étanchéité à l’air des bâtiments sont les suivants :
- Il est important de traiter au mieux les points de fuite d’air pour améliorer l’étanchéité à l’air d’un bâtiment et donc pérenniser sa performance énergétique.
- Les points faibles restent les gaines techniques : faire attention dans le cadre d’une rénovation à bien étanchéifier les gaines donnant directement sur l’extérieur du bâtiment.
- Il faut trouver le juste milieu entre performance, faisabilité technique et faisabilité financière.
Joséphine Ledoux précise par ailleurs qu’il est possible d’aller chercher la performance énergétique au fil du temps, et de profiter de futurs travaux pour continuer à améliorer l’étanchéité, notamment sur les réseaux intérieurs.
Retrouvez les précédents épisodes de cette série technique
- Episode 1 : L’étanchéité couplée à la végétalisation d’une toiture terrasse
- Episode 2 : Isoler les balcons par l’extérieur
- Episode 3 : Végétaliser une dalle, c’est possible !
- Episode 4 : Isoler avec des matériaux biosourcés pour un meilleur confort hiver comme été
- Episode 5 : Concevoir un projet de végétalisation
- Episode 6 : Mécaniser la ventilation
[1] Ministère de la Transition Ecologique, de la Cohésion des Territoires et de la Mer, 2021